Face à Face avec Stéphane Lacroix. « Pas de levure pas de pain »
Qui de notre filière blé-farine-pain, n’a pas croisé un jour ou l’autre l’imposante carrure de Stéphane Lacroix ? Directeur commercial chez Lesaffre France, il est depuis 2014, le président de la Chambre syndicale française de la levure (CSFL). Face à la montée en puissance du levain, les levuriers entament une campagne de communication pour rappeler le rôle essentiel de la levure dans le processus de fermentation en boulangerie et pourfendre au passage quelques idées reçues. Avec un message choc : “‘Pas de levure, pas de pain !”
Honoré le Mag : Pouvez-vous tout d’abord nous présenter la Chambre Syndicale Française de la Levure ?
Stéphane Lacroix : La Chambre Syndicale de la Levure (CSFL) représente les producteurs de levures et de ferments, fabriqués dans l’Union Européenne et commercialisés en France. Elle a pour objet d’assurer la représentation globale et la défense des intérêts communs de ses membres : AB Mauri France, Biospringer, Lallemand Baking Solutions, Levure Fala et Lesaffre. C’est un secteur qui représente 1 750 salariés. Elle est chargée de représenter leurs intérêts collectifs au niveau français, européen et international auprès des autorités publiques, des organisations patronales, des instances interprofessionnelles ou de tout autre organisme, privés ou publics. La CSFL est adhérente de l’Ania et représentée au niveau européen par COFALEC, la Confédération des Fabricants de Levure de l’UE.
Honoré : Depuis l’année dernière, vous déployez une grande campagne de communication qui va prendre un nouvel élan en 2018. Avec un message choc : “Pas de levure, pas de pain”. En quoi consiste votre message ?
Stéphane Lacroix : C’est très simple. Nous souhaitons réhabiliter l’image de la levure. Tout le monde parle du levain et à force, on considère presque la levure comme un produit à l’image sinon négative, mais du moins inexacte et injuste. Nous nous sommes aperçus, notamment avec une étude menée par la COFALEC, que la levure c’est un peu comme le sel ou l’eau, on ne la perçoit pas négativement, mais dans la plupart des cas, elle a une image neutre dont on ne parle pas. Pourtant, tous les boulangers utilisent de la levure, même ceux qui maîtrisent leur propre levain. Il faut donc lever les apriori. La levure est issue d’un procédé hautement naturel qui est la fermentation, maîtrisé par les levuriers, ni plus ni moins ! La levure et le levain sont deux ingrédients différents et complémentaires. L’important est donc de mettre ces produits intermédiaires au service de la valorisation du savoir-faire de chaque boulanger.
Honoré : Vous voulez dire que les professionnels ne connaissent pas réellement cet ingrédient pourtant essentiel ?
Stéphane Lacroix : Aussi étonnant que cela puisse paraître, cette étude nous a montré qu’il y avait une vraie méconnaissance de la levure et de sa diversité des boulangers eux-mêmes. La levure a été oubliée tout simplement par manque d’information. Et victime de beaucoup d’idées reçues, du fait qu’elle soit produite à l’échelle industrielle, étant donné la complexité de l’expertise qu’elle nécessite. Notre combat pour réhabiliter la levure, c’est aussi un combat d’image ! Car il existe une grande confusion avec les poudres levantes par exemple. La levure est
un être vivant, un produit naturel qui apporte de nombreux atouts pour la panification en termes d’arômes et de structure des pains. Rappelons-nous que la levure crée la fermentation et
sans fermentation, pas de pain levé !
Honoré : Alors pour vous, la levure, c’est la vie ?
Stéphane Lacroix : Je dirais même que les levures c’est la vie ! Car il en existe plusieurs. Lors des dernières Journées Techniques des Industries Céréalières à Paris en novembre
dernier, nous avons organisé une rencontre avec le CEBP (Cercle d’Etudes de Boulangerie Pâtisserie) sur le thème “Pain, vin, bière, fromage : la fermentation dans tous ses états
!” L’occasion de démontrer que nous utilisons des levures pour produire du pain, du vin, des bières et des fromages. A nous aussi de promouvoir cette diversité et d’informer les
boulangers sur ce produit complexe aux vertus multiples. Et lever les confusions pour que la levure ne soit plus considérée par les boulangers comme une simple relation de travail,
mais comme une amie fidèle ■
Interview de Laurent Estèbe. Honoré Le Mag n° 20
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