Les premières pistes du coût du confinement en France

Unigrains vient de faire paraître une première étude de l’impact économique du confinement en France. La chute de l’activité économique globale est ainsi estimée à 35 % par rapport à une semaine dite « normale », avec une très grande disparité sectorielle. l’estimation du coût économique du confinement est un exercice difficile, mais un élément central pour appréhender l’ampleur de la récession attendue, ainsi que le scénarios de sortie de crise qu’il est encore trop tôt d’envisager avec précision et encore plus de chiffrer.

Contraction du PIB de – 6 % au 1er trimestre 2020

Une analyse faite par l’Insee pour la semaine du 26 mars nous donne à cet égard des éléments intéressants. Durant une semaine de confinement, la chute de l’activité économique globale en France est estimée à 35 % par rapport à une semaine dite « normale ». Derrière ce chiffre global, les disparités sectorielles sont fortes : l’impact atteint 90 % pour la construction mais n’est que de 4 % pour l’agriculture et les IAA qui confirment ici la résilience traditionnelle du secteur en période de crise, particulièrement durant celle-ci. Dans le même temps, la Banque de France a publié ses premières estimations économiques pour la croissance au premier trimestre 2020. Selon elle, la contraction du PIB atteindrait 6 % au cours du trimestre. Ce serait la performance la plus négative depuis le deuxième trimestre de 1968, qui s’était soldée par une récession de 5 %. Alors que le confinement a débuté le 17 mars, cette chute estimée du PIB pour le 1er trimestre par la Banque de France, correspond en fait à une baisse de 35 % du PIB au cours de la deuxième quinzaine de mars. De là, à partir d’une hypothèse de confinement de 6 semaines (fin avril), et celle d’un retour presqu’à la normale du PIB d’ici l’été (c’est-à-dire ce qu’aurait été le PIB en-dehors de la crise, sans croissance supplémentaire), on arrive mécaniquement à une contraction supplémentaire du PIB de 15 % au deuxième trimestre, soit un effet cumulé de -20 % sur le 1er semestre, ce qui serait historique. Le risque est bien sûr fixé à un chiffre dégradé alors que le retour à la normale postconfinement, dès l’été, est tout sauf garanti.

Vers un rebond de croissance fin 2020

Par la suite, tout dépendra de la capacité de rebond une fois la vie économique domestique à nouveau normalisée mais aussi l’impact des fortes perturbations du commerce mondial qui mettront du temps à se dissiper. Alors que les effets de la crise sont décalés suivant les principales zones économiques (Chine, Europe, Etats-Unis). Les premières analyses réalisées actuellement, tablent généralement sur une reprise soutenue à partir du troisième ou plus vraisemblablement du quatrième trimestre, qui pourrait être tout aussi violente qu’a été la contraction du PIB juste avant, justifiée par un effet rattrapage (même partiel) et surtout dopée par les plans de soutien budgétaires massifs et historiques qui sont aujourd’hui mis en place à travers le monde. Ceux-ci avoisinent les 5 000 milliards de dollars, un chiffre jamais atteint dans le passé, tenant compte à la fois des des aides directes et des fonds de garanties de prêts des banques commerciales. A titre d’exemple, les Etats-Unis ont, pour le moment, annoncé un plan global de près de 2 300 milliards de dollars, presqu’exclusivement composé d’aides directes aux entreprises et aux ménages et l’Allemagne a mis en place un plan de 750 milliards d’euros comprenant 400 milliards de garanties de crédits. En France, le plan annoncé est de 345 milliards d’euros (15 % du PIB), dont 300 milliards de garanties de crédits. De nouvelles mesures pourraient être annoncées prochainement, alors que les critères de rigueur budgétaire européens ont été mis entre parenthèses (durablement ?). A noter que les pays européens les plus frappés par la crise, l’Italie et l’Espagne, ont annoncé des plans budgétaires limités (moins de 2 % du PIB), ne comprenant pas des garanties de prêts, ce qui pose la question d’une action urgente au niveau européen, faute de quoi l’impact de la crise sur ces économies les plus fragiles sera massif et durable. Cette action est pour l’heure bloquée. A ces plans budgétaires, il faut bien entendu, ajouter les actions presque illimitées des banques centrales pour fournir des liquidités aux banques et faciliter ainsi les octrois de crédits (plus de 1000 milliards d’euros pour la BCE d’ici la fin de l’année).

Des chiffres économiques hors normes !

Au vu de la récession attendue pour le premier semestre (reprenant les estimations de la Banque de France), et d’une reprise par la suite, (aux contours encore incertains), la contraction du PIB sur l’ensemble de l’année est généralement attendue entre -6 % et -10 % en fonction du profil de la reprise potentielle après l’été et qui est encore difficile à envisager aujourd’hui. Après cette année noire, et dans le sillage du rebond de l’activité espérée en fin d’année, la croissance en 2021 devrait afficher un effet rattrapage tout aussi impressionnant qu’aura été la chute. Pour 2020, et 2021, il va falloir s’habituer à des chiffres économiques hors-norme, à la baisse comme à la hausse. A ce stade, le risque majeur de ce scénario réside dans une récession plus profonde au 1er semestre et une sortie de crise repoussée en 2021, alors que le confinement durerait plus longtemps que l’hypothèse prise en compte. Et que les dégâts économiques occasionnés durant cette phase de paralysie s’avèreraient être plus longs à être corrigés du fait d’un impact plus massif sur les dépenses et les habitudes de consommation, d’un financement des entreprises plus tendu et d’un ralentissement du commerce plus profond. La probabilité de ce scénario central et de scénario de risque sera affinée dans les semaines à venir, au vu des prochains indicateurs conjoncturels publiés et qui demeurent encore assez rares aujourd’hui.

La levée du confinement, clé de la reprise

En France comme dans la plupart des pays, les perspectives économiques 2020 sont très endommagées et très incertaines. Seul point positif toutefois : la récession subie actuellement provient en grande partie de la décision nécessaire de confinement pour faire face à la crise sanitaire et de son impact sur l’appareil productif et la consommation. Une fois le confinement levé (annoncé progressif en France à partir du 11 mai), cette situation devrait progressivement se corriger, même si la rapidité de la correction et les dommages collatéraux nés de la période de confinement demeurent pour l’heure, très incertains tant dans l’ampleur que dans le temps. C’est là une différence majeure avec les précédentes récessions qui avaient résulté de facteurs proprement économiques comme en 2008 et 2011. Donc moins maîtrisables que le confinement dans la gestion de sortie de crise. Si on ajoute à cela les moyens sans précédent mis en place par les autorités budgétaires et monétaires depuis un mois à travers la planète, la capacité de rebond de l’économie, une fois sortie du tunnel actuel qui durera a minima jusqu’à l’été, apparaît pour l’heure réelle et réaliste. Cela n’a pas toujours et le cas dans le passé, un mois seulement après le déclenchement d’une crise.