Marie-Odile Fondeur : « Cette crise générera des changements profonds dans la manière de consommer »

Nous poursuivons notre grand tour d’horizon des acteurs de notre filière qui font face à la crise du Covid-19. Après Patricia Couderc (Boulangerie de la Tour à Paris), Louis-Marie Bellot (Bellot Minoteries), Stéphane Bravais (METRO France), Eric Kayser (Maison Kayser), et Matthieu Labbé (FEB), nous échangeons avec Marie-Odile Fondeur, Directrice Générale du Salon SIRHA et Commissaire Générale du Salon EUROPAIN.

Quelle a été votre première réaction à l’annonce du confinement du pays ?

Le 14 mars, vers 20h, je suis arrivée dîner chez Christian Têtedoie, il venait d’apprendre la fermeture des restaurants ce soir là à Minuit. Il était sidéré comme l’ensemble de la profession. La suite était prévisible, on s’attendait à un confinement qui est arrivé le 16 mars. Les différentes étapes ont été : sidération, déni, colère, et organisation de l’après pour rebondir.

Comment avez-vous analysé la situation exceptionnelle que nous connaissons pour le secteur de la restauration et de la boulangerie ?

Je tiens à relever surtout l’exceptionnelle réactivité, l’agilité des restaurateurs et des métiers de bouche pour affronter cette crise inédite. Très vite, nombre d’entre eux ont cherché des solutions pour maintenir le lien, le service au client et bien sûr préserver autant que possible leur activité pour leurs établissements et leurs salariés. Ils se sont organisés très vite pour aménager leurs locaux pour préserver la santé de leurs équipes et des clients. Grâce au digital ils ont mis en place des services de livraison, de click & collect, de drive …Des collaborations sont nées entre commerces et producteurs comme par exemple, des boulangeries qui « hébergent » des livraisons de paniers de producteurs… Les restaurateurs se sont tournés vers la vente à emporter ou même le drive même si bon nombre d’entre eux ont totalement fermé leur établissement. Ils font d’énormes efforts pour s’approvisionner et servir leurs clients. J’ai vu récemment qu’Olivier Nasti, chef doublement étoilé en Alsace proposait des menus complets en drive pour des prix très abordables. Je trouve que c’est une excellente idée qui permet de se donner une visibilité auprès de nouveaux clients ou de rester présents auprès de clients fidèles. Ces professions ne sont pas statiques, loin de là, leur solidarité et leur dynamisme doit être salués. Les consommateurs de leur côté ont sans aucun doute réagi de manière disproportionnée à l’annonce du confinement, mais aujourd’hui, ils ont répondu favorablement à toutes ces initiatives et se tournent plus majoritairement vers les circuits courts. Ces nouvelles habitudes vont perdurer car la crise sanitaire est accompagnée d’une crise de confiance. Le local est une valeur refuge, le bio également, symboles de transparence et de qualité. Le consommateur a désormais totalement intégré ces paramètres dans son modèle d’achat.

Vous organisez plusieurs salons professionnels importants : SIRHA, SIRHA GREEN, EUROPAIN notamment. Beaucoup de professionnels de nos secteurs de la restauration et de la boulangerie se demandent comment pourront se dérouler de tels événements après cette crise. Pouvez-vous déjà nous donner votre vision et vos prochaines décisions ?

La crise est un accélérateur écologique et le green est dans ce contexte, encore plus d’actualité. Nous venons d’annoncer le repositionnement de SIRHA GREEN début septembre à la Sucrière à Lyon. Il était essentiel pour nous de maintenir ce rendez-vous pour les acteurs de la restauration et de l’alimentation. Après des premières mesures prises dans l’urgence de la crise, les professionnels auront besoin d’un espace d’échanges, de rencontres, d’information pour faire le point et certainement pérenniser de nouveaux business models, plus responsables et durables. A taille humaine, SIRHA GREEN apportera les solutions adaptées à cette nouvelle forme de consommation née de cette crise sanitaire. En particulier la SIRHA GREEN ZONE, imaginée comme un espace de réflexion où Chefs, experts et acteurs majeurs viennent répondre aux interrogations et aborder les problématiques clés des professionnels de l’alimentation : les labélisations, la réduction et la valorisation des déchets, comment réussir l’après-crise Covid-19… Le SIRHA 2021 sera plus encore que les éditions précédentes, le rendez de l’univers de la restauration et de l’alimentation. En ce début d’année 2021, sa fonction essentielle de plateforme du foodservice mondial prendra tout son sens après des mois de difficultés et d’incertitudes. EUROPAIN, dont la prochaine édition se tiendra en 2022, fera certainement un état des nouvelles pratiques et tendances de consommation initiées à l’occasion de cette crise et du dynamisme entrepreneurial de la filière boulangerie pâtisserie.

Toujours en tant qu’organisateurs de salons professionnels pour nos secteurs, comment pouvez-vous accompagner les acteurs qui sont vos clients et partenaires ?

En étant à leurs côtés, à leur écoute. Nos événements sont des facilitateurs de rencontres, de business. Nous mettons donc tout en œuvre pour qu’ils puissent participer à nos salons, nos festivals, nos concours dans les meilleures conditions possibles. Notre mission d’accompagnement est renforcée en cette période et toutes nos équipes sont mobilisées pour répondre à leurs questions et leur apporter des réponses les plus justes possibles en cette période incertaine. J’échange d’ailleurs très régulièrement avec nos clients et partenaires et suit avec eux l’évolution de leurs marchés au jour le jour. L’innovation est la meilleure arme anti crise, nous les poussons à aller dans ce sens.

Dans toute crise d’une telle ampleur, j’aime à voir des facteurs d’optimismes pour notre secteur. Ais-je tort ? Quels seraient les motifs d’espoirs selon vous ?

Les motifs d’espoir, je les vois clairement dans la motivation des acteurs à maintenir leur activité, à préparer la suite, l’Après COVID… ils sont tous sur le pont pour traverser cette période et préserver leurs entreprises, leurs salariés. Toutes les initiatives apportées dans les médias, les réseaux sociaux sont autant d’exemples que la profession est en mouvement, qu’elle avance malgré les difficultés. J’en veux aussi pour preuve les réactions des consommateurs qui s’informent, suivent et plébiscitent ces initiatives. Les français se sont remis à la cuisine, ils privilégient les produits de proximité, les légumes… et cela va durer très certainement. Toutes les crises alimentaires que nous avons déjà traversées ont profondément modifiées les habitudes alimentaires, celle-ci, alimentaire et économique, ne fera pas exception à la règle et générera des changements profonds dans la manière de consommer.