Matthieu Labbé : « Un enjeu colossal est devant nous !»

Nous poursuivons notre grand tour d’horizon des acteurs de notre filière qui font face à la crise du Covid-19. Après Patricia Couderc (Boulangerie de la Tour à Paris), Louis-Marie Bellot (Bellot Minoteries), Stéphane Bravais (METRO France) et Eric Kayser (Maison Kayser), nous échangeons avec Matthieu Labbé, Délégué Général de la Fédération des Entrepreneurs de la Boulangerie (FEB). Il nous livre son analyse de la situation et l’impact de cette crise sur l’activité de la FEB et de ses adhérents.

Comment analysez-vous la situation exceptionnelle que nous connaissons pour le secteur après plus d’un mois de confinement en France ?

Les boulangeries ont été classées secteur prioritaire par le gouvernement dès le début du confinement ce qui a permis  aux boulangeries d’ouvrir 7J/7 et d’aider à assurer la continuité de l’activité de nos entreprises. Le secteur est prioritaire mais reste fragile. Nous avons mis en place début avril 2020, un observatoire des ventes en magasin qui  montre une baisse du CA de 61,5 % sur les deux dernières semaines du mois de mars 2020. La baisse concerne le pain (-29,7 %) mais surtout la viennoiserie (-68,8 %), les pâtisseries (-69,9 %) et le traiteur (-78,5 %). Les entreprises ont fermé pour laisser place au télétravail donc moins de consommation nomade. La population française a dû changer ses habitudes de consommation avec moins d’achat plaisir et plus de fabrication à la maison (difficile à quantifier).

Quelles ont été vos premières décisions face à cette crise inédite ?

Depuis le début de cette crise, nous avons été quotidiennement en réunion avec les Ministres de l’Economie et de l’Agriculture pour évaluer les problématiques liées à notre secteur. L’idée est de faire front tous ensemble et  de soutenir nos adhérents face à cette crise. Nous avons envoyé un courrier aux distributeurs pour demander un moratoire sur les pénalités logistiques. Nous souhaitons aussi freiner la demande des transporteurs qui réclament une hausse de transport de 8,5 % unilatérale et rétroactive pendant cette période où la solidarité doit être le mot d’ordre. Nous avons mis en place un observatoire des ventes en magasins pour analyser le chiffre d’affaires des deux premières semaines du confinement (-61,5 %) mais aussi un sondage IFOP sur le regard des français sur leur boulangerie pendant cette période. Ce sondage nous a permis de constater que 68 % des français consomment autant de pain qu’auparavant, contre 23 % qui déclarent manger moins de pain depuis le début du confinement. Cependant, on constate un changement d’habitude dans le comportement des français depuis le début de la crise. Avant le confinement, 61% des français achetaient, en premier lieu, leur pain dans une boulangerie contre 52 % depuis le 17 mars (début du confinement). Les ventes de pain dans un autre lieu que les boulangeries, grandes surfaces ou supérettes sont passées de 5 % avant le confinement à 10 % depuis le 17 mars 2020.

A la veille du déconfinement progressif le 11 Mai prochain, anticipez-vous déjà la reprise prochaine de l’activité pour la filière ?

Il y a un pendant confinement et il y aura un après confinement qui doit être en effet anticipé. Les chiffres de l’observatoire des ventes en magasins démontrent la difficulté immense que notre secteur traverse, il nous faudra rebondir vite à la fin de cette crise pour retrouver notre équilibre économique, un enjeu colossal est devant nous.

Quels sont, pour vous, les principaux enseignements et les conséquences d’une telle crise mondiale sur tout le secteur ?

La crise liée au confinement a montré la réactivité de nos entreprises à s’adapter et à faire face à cette situation inédite. Ils ont su mettre en place rapidement de nouvelles méthodes de travail que ce soit avec leurs équipes mais aussi pour la vente de produits. L’exportation a quant à elle brutalement chuté pendant le confinement mais il faudra savoir saisir les nouvelles opportunités que les marchés européens offriront après cette période. Nous ne pensons pas que ces nouvelles façons de consommer impacteront notre secteur après la crise puisque d’après notre sondage, 95 % des Français trouvent que les boulangers exercent courageusement leur activité pendant la crise et ils sont 89 % à estimer que les boulangeries veillent au respect des gestes barrière contre la propagation du virus. Tout le monde reconnaît l’importance des boulanger-pâtissiers pendant cette pandémie.