Bertrand Girardeau : « La transparence et la solidarité seront les valeurs de demain ! »

Nous poursuivons notre grand tour d’horizon des acteurs de notre filière qui ont fait face à la crise du Covid-19. Après Patricia Couderc (Boulangerie de la Tour à Paris), Louis-Marie Bellot (Bellot Minoteries), Stéphane Bravais (METRO France), Eric Kayser (Maison Kayser), Matthieu Labbé (FEB), Marie-Odile Fondeur (SIRHA et EUROPAIN), Apollonia Poilâne (Maison Poilâne),et Erick Roos (Moulins Soufflet), échange avec Bertrand Girardeau, Directeur Général de la Minoterie Girardeau (Loire-Atlantique), meunier du grand ouest engagé dans le réseau Agri-Ethique.

Quels ont été les changements majeurs que vous avez pu constater pendant le confinement dans les boulangeries ?

Juste avant le confinement, nous avons assisté à une ruée chez les boulangers. Les consommateurs faisaient des stocks de pain et les boulangers ont donc commandé beaucoup de farine. Ce qui les a poussés à faire ces stocks, c’est aussi l’inquiétude sur le fonctionnement des livraisons. Ensuite, l’effet inverse s’est produit, la consommation de farine en boulangerie a subitement freiné. Suivant les régions, les baisses d’activités ont été différentes. Pour prendre l’exemple de notre moulin en région parisienne, nous y avons subi une baisse de 20 %, qui s’est justifiée par le fait que les boulangeries à Paris fonctionnaient beaucoup avec le snacking avant la crise. Les boulangers qui s’en sortent le mieux sont ceux qui faisaient déjà un chiffre d’affaires important sur le pain et ceux installés en campagne et dans les petites villes, où les habitants ont continué d’aller dans les commerces de proximité.

Quelles répercussions directes sur votre activité ?

Quand la farine pour les consommateurs en grande distribution a commencé à manquer, nous avons été contactés pour pallier aux ruptures de stocks. Nous avons en effet une machine pour conditionner en sachet de 1 kg, pour une gamme réservée à nos artisans boulangers. Nous avons préféré continuer à les soutenir dans ces moments difficiles et nos sachets de 1 kg ont donc été mis en avant dans les boulangeries très rapidement. Nous avons bien sûr donné de la farine à des associations, dernièrement nous avons eu l’occasion d’en donner à la banque humanitaire de Montaigu. Avec l’union régionale des meuniers, nous avons également donné 10 tonnes de farine aux associations alimentaires de la région. Depuis toujours nos valeurs sont celles du partage.

Quelle est votre vision de « l’après Covid-19 » ? Cette crise va-t-elle transformer durablement les mentalités de chacun, l’envie de consommer local, plus solidaire, plus éthique ?

Nous sommes engagés en faveur du commerce équitable français et des circuits courts depuis longtemps, mais je pense que cette crise va nous y emmener tous bien plus vite. Nous allons devoir modifier notre manière de nous approvisionner. C’est parce que nous avons travaillé avec des agriculteurs locaux, selon le modèle du label Agri-Éthique que nous avons eu une grande facilité à être approvisionnés dans nos moulins. Nous allions auparavant chercher nos blés à 145 kilomètres en moyenne autour du moulin. Aujourd’hui, nous avons déjà réussi à réduire cette distance à 75 kilomètres. J’espère que dans les années à venir, l’ensemble de la filière se posera les bonnes questions et se demandera si c’est raisonnable, par exemple, d’aller chercher sa farine à plus de 150 kilomètres. Nous devons relancer l’activité dans notre tissu économique local. Et cela mène forcément au commerce équitable français. Il faudra en effet peut-être payer un petit peu plus cher pour permettre aux agriculteurs de nos régions de vivre mieux. Mais je suis sûr que le consommateur est prêt à l’entendre et que c’est même lui qui va le demander. La transparence et la solidarité seront les valeurs de demain. Le commerce équitable français comme nous l’avons imaginé avec Agri-Éthique, est pour moi la solution pour protéger notre indépendance alimentaire tout en préservant l’agriculture et la planète.