La drèche de brasserie fait sa place parmi les ingrédients des boulangers 

Ajouter de la drèche moulue ou entière dans des préparations boulangères ou pâtissière, la tendance s’accentue chez les professionnels. Si les premiers fournisseurs restent des brasseries en quête de recyclage des résidus de leurs malts, des entreprises se spécialisent dans la production de farine de drèche en gros volumes.

Depuis janvier 2022, Maltivor a déménagé son entrepôt de Brignais à Vourles, toujours dans le Rhône, passant de 150 à 400 m2. La start-up, qui a vu son chiffre d’affaires faire un bond de 200% entre 2020 et 2021, avait besoin d’augmenter sa capacité de production face à la demande de plus en plus importante en farine de drèches. Aujourd’hui, au quotidien, l’entreprise, fondée en 2018 par Lola Bonnin, collecte 800 kilogrammes de ces coproduits humides chez une dizaine brasseurs artisanaux du Rhône. Les équipes les sèchent ensuite dans un déshydrateur, les broient dans un moulin à meule de pierre et produisent quotidiennement environ 200 kg de farine. “Nous amorçons une nouvelle phase de recherche et développement pour changer notre outil de production et atteindre une tonne de farine de drèche produite par jour en 2023”, précise Gabrielle Hugon, une des deux associées et également chargée de production et de qualité.

Colorer les pains

Dotée d’une certification mixte en bio et conventionnelle, la farine Maltivor s’adresse à une cible B2B avec des sacs de 25 à 5 kg. L’entreprise rhônalpine, sur laquelle a misé le fonds d’investissement britannique French Square, a aussi développé une gamme pour les particuliers, avec des petits conditionnements de farine et des préparations pour pâtisseries, baptisés les MaltMix. “En plus de l’argument éco-responsable, les boulangers vont chercher un apport de saveur : la farine issue de la drèche pour faire de la bière blonde apporte plutôt des arômes céréaliers, l’ambrée des notes caramélisées et la brune, des notes torréfiées aux saveurs café. Elle permet aussi une coloration des pains”, explique l’entrepreneure. “Pour les biscuitiers et les pastiers, les argument organoleptiques comptent, mais ils cherchent aussi un intérêt nutritionnel car c’est une farine riche en protéines et en fibres qui permet d’améliorer le Nutriscore des produits finis.” Les transformateurs agroalimentaires fabricant gâteaux, biscuits, pâtes et viandes végétales peuvent quant à eux jouer sur le taux d’humidité de ces produits, leur conservation, leur texture et leur structure.

Donner un goût malté aux spécialités boulangères

D’autres professionnels ont choisi de ne pas passer par une matière moulue mais entière. C’est le cas de Fabrice Bazzara dans sa boulangerie éponyme, située à Delme (57), qui récupère le produit auprès de La Grenouille Assoiffée, une brasserie localisée 30 kilomètres plus loin. Il ajoute cet ingrédient, de la directement dans ses bâtards, des petits pains courts de 500 grammes et ses baguettes. “On retrouve le goût du houblon”, explique l’artisanat qui reçoit l’ingrédient sec avant de le réhydrater à la bière pour l’incorporer dans ses pâtons.

Romain Courbet va encore plus loin avec La Brewlangerie qui a pignon sur rue à Toulouse (31, depuis son passage en janvier 2022 dans l’émission de M6 “La meilleure boulangerie de France”. Sa boutique incarne totalement le principe d’économie circulaire et d’upcycling. “A l’origine du concept, je voulais faire du pain à la bière et de la bière au pain”, résume-t-il. “L’idée , c’était de monter une boulangerie alternative et de travailler le plus localement possible pour les farines et trouver comment ne plus jeter le pain parce que j’avais trop vu des entreprises où l’on faisait du pain chaud toute la journée quitte à jeter les nombreux invendus.”

Le cookie aux drèches

Dans sa vitrine mais aussi, on retrouve parmi ses spécialités Le Noga Drèche, dont les ventes ont doublé depuis son passage à la télévision. Il est réalisé à base de farine semi-complète, farine de seigle, toutes les deux bio et provenant des moulins d’agriculteurs situés à moins de 50 km à la ronde de la ville rose, des noix torréfiées, de drèches et de la bière artisanale de La Brewlangerie. “Avec mon associé Nicolas Costes, on a lancé en 2019 Mich, une première gamme à base de bières à base de pain”, ajoute le néo-boulanger.

La boulangerie étant trop petite pour brasser à grande quantité, les deux entrepreneurs sous-louent les machines de la Brasserie l’Excuse à Mauvezin (32), dans le département voisin du Gers. A l’année, cette activité génère 1600 kg de résidus des céréales. Ils en utilisent 15% pour réaliser leur pain signature et des cookies. “Les drèches fermentent et moisissent facilement, je les récupère fraîches et je les congèle« , détaille le professionnel. Pour en remettre le moins possible au compost ou au fourrage agricole, il s’est récemment lancé dans la multiplication de préparations à base de ce coproduit. Bientôt des crackers et autres gâteaux apéritifs devraient également venir compléter les rayons d’épicerie sèche de la boulangerie.

 

Anaïs Digonnet