Louis-Marie Bellot : « J’espère pour tous une prise de conscience collective et durable de l’intérêt de produire et de transformer en France »

Nous poursuivons notre grand tour d’horizon des acteurs de la filière blé-farine-pain qui font face à la crise du Covid-19, avec Louis-Marie Bellot, Président de Bellot Minoteries. Il nous livre ici sa réaction et ses prises de décisions pour faire face à cette situation inédite pour le secteur meunier. Bellot Minoteries est située en limite du Marais Poitevin, sur le site de Geoffret, près de Saint-Martin-de-Saint-Maixent, dans les Deux-Sèvres. Le moulin a fêté ses 230 ans d’existence en 2019.

Comment analysez-vous la situation exceptionnelle que nous connaissons pour le secteur en France et dans le monde entier ?

Nous vivons une situation exceptionnelle sur tous les plans : personnels, professionnels, à l’échelle de notre pays mais aussi du monde. Cette situation met en lumière le secteur agroalimentaire et les produits de première nécessité, elle bouleverse les habitudes de consommation, et remet en question l’organisation de toutes les entreprises. Il est donc nécessaire de tous nous adapter, de naviguer au jour le jour. En ces temps de « guerre », la priorité est la protection de nos salariés, et de se concentrer sur ce que notre entreprise peut faire pour aider, sans se submerger, en menant les batailles les unes après les autres.

Quelles ont été vos premières décisions face à cette crise inédite ?

La première décision a été de constituer une cellule de crise spécifique « COVID-19 » avec tout nous responsables de service. Cette première visio-conférence, nous a permis de dessiner le plan d’action face à la crise. En premier lieu, protéger nos salariés et leurs familles. Protéger nos clients, nos fournisseurs ou prestataires. Puis, poursuivre notre activité et satisfaire nos clients. Et enfin, aider et accompagner autant que possible toutes les parties prenantes à traverser cette crise. Il a fallu réfléchir rapidement avec nos équipes pour se réinventer face à cette situation et prendre des décisions inédites : mise en place du télétravail, application de règles d’hygiènes et sanitaires renforcées, protection de tous nos salariés… tout en continuant de produire et de livrer nos farines. Le challenge était la réorganisation totale des services d’assistance commerciale, commerciaux, administratifs, logistique, commander du gel hydroalcoolique, des masques, former notre personnel et vérifier l’application des gestes barrières sur le terrain pour tous nos services. Nous avons aussi communiqué avec nos clients et fournisseurs pour rassurer sur la continuité de notre activité. Bien heureusement tous nos blés CRC, Bio, Conventionnels viennent de France à 70 km en moyenne de nos moulins. Nous nous réjouissons de cette proximité et de cette relation privilégiée avec nos fournisseurs qui nous a permis de traverser solidairement cette crise. La décision a été immédiatement prise de passer commandes auprès des coopératives pour augmenter rapidement nos stocks de matières premières, emballages, etc.

Anticipez-vous déjà l’après confinement et la reprise prochaine de l’activité ? Quelles seront vos décisions ?

Une fin progressive le 11 mai, oui, mais dans quelles conditions ? Il nous manque beaucoup de renseignements à ce sujet. Le personnel administratif pourra-t-il rejoindre ses bureaux ? Les commerciaux pourront ils reprendre leurs visites clients ? Nos Boulangers Conseils pourront ils reprendre leurs formations ?  Nous sommes dans le secteur agroalimentaire, minotier, un des secteurs les moins touchés par ce confinement. Il suffit de constater l’évolution exponentielle des achats de sachets farine 1 kg par les consommateurs, qui ont repris à leur compte le « home made », gâteaux, pains, etc. non seulement à cause du confinement mais peut être pour occuper leurs enfants, et de redécouvrir les bienfaits du gluten, tant décrié auparavant… Notre activité ayant été maintenue, l’après 11 mai sera pour nous un retour à la normale. Certains services, plus impactés que d’autres (Par exemple pour nos commerciaux en activité partielle), auront pour mission d’accompagner et de conseiller nos clients sur la reprise d’activité, en mettant à leur disposition toutes les aides, les outils, et initiatives qui permettront à la filière blé-farine-pain de se relever. Je pense notamment aux artisans boulangers dont l’activité est pénalisée par le confinement : nous serons à leurs côtés, présents et solidaires pour les aider à redévelopper leur activité.

Quels sont, pour vous, les principaux enseignements et les conséquences d’une telle crise mondiale sur tout le secteur ?

Cette crise mondiale montre, pour notre entreprise, la capacité d’adaptation spectaculaire de notre personnel à ces nouvelles contraintes : nous profitons dans cette intervention avec vous, pour les féliciter très sincèrement. Le deuxième enseignement est que les consommateurs que nous sommes tous, devons réfléchir au moment de nos achats, d’où viennent les matières premières et nos produits. Un exemple : 50 % des sachets de farine 1 kg venaient d’Allemagne avant le confinement, les ruptures constatées de sachets en sont la triste réponse lorsque l’autonomie de notre pays n’est pas assurée par nos propres usines. Ceci est valable sur ce produit, la farine, et bien d’autres. Souhaitons pour tous la prise de conscience collective et durable de l’intérêt de produire et de transformer en France. Nos usines sont les emplois de demain : nos agriculteurs cultivent d’excellentes céréales avec les meilleures méthodes culturales et certifications mondiales, ils ont nourri la France dans cette période si difficile pour les approvisionnements de matières premières, ne les dénigrons pas, ne les oublions plus.